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Matt Frenot

Du 8 septembre au 28 octobre 2023

Photo © Ester Sabik

Matt Frenot a étudié à l’école nationale supérieure d’art et de design de Nancy et à l’école nationale supérieure de la photographie d’Arles. Il a participé au programme de recherche Création&Mondialisation de l’école Offshore piloté par Paul Devautour à Shanghai. Son œuvre se déploie dans le domaine des arts visuels par la photographie, la vidéo, le son, l’écriture et le dessin. Sa démarche se définit par une représentation fragmentaire des lieux qu'il explore en relation avec la couleur.

 

De l'espace domestique où se forme son écriture picturale à l'environnement complexe de grandes mégalopoles, il élabore un langage où les formes sont condensées et ouvertes. Il entreprend en parallèle une réflexion sur les matériaux de sa production photographique. Ses œuvres ont été exposées dans différents lieux (musée, galeries, cinéma, commerces, chapelle). Il collabore régulièrement pour la scénographie et l’agencement d’œuvres dans des espaces d’exposition et lieux de collection (galeries, architectes, collectionneurs et commissaires indépendants).

« Si je regarde une chose, je ne la vois pas. Si je découvre la mesure qui la fait apparaître, elle m’éblouit. À chaque réalisation, mon intention est de préciser l’apparition d’une chose dans la construction d’une image. Qu’elle captive ou bien qu’elle irradie, elle est le résultat d’une transformation, d’une composition ou d’une mise en scène. En élaborant une grammaire qui se condense à l’intérieur des objets et des images que je fabrique, la condition d’apparition d’une chose reste multiple et ouverte. »

Matt Frenot​​

Entretien 
Pascal Monteil et Matt Frenot

L’orage en mai ?

D’abord, j’adore le mois de mai.
C’est la chanson que je chantais quand j’étais gamin : « Reviens beau mois de mai, Fais reverdir nos forêts ». Aujourd’hui, je pense aux premières chaleurs qui s’accompagnent des foudres aussi puissantes que celles qui suivront. C’est juste avant l’été, on n’y est pas encore mais ça nous permet de sentir son approche. L’orage nous avertit de céder le passage : à l’excès, à la colère, à la joie, à la jouissance ! En mai, on se prépare à cette apocalypse qui démarre au moment où la Terre s’incline vers le Soleil. Il faudra survivre à la traversée du désert brûlant. Alors, pour survivre, il va falloir se protéger. La cabane, l’hôtel, le parasol, la piscine, les plantes... sont autant d’archétypes qui permettent de se mettre à l’abri. Je les dépose comme des fragments.

La Méditerranée ?

Pour moi, la Méditerranée est un fantasme. Les ports industriels et les stations balnéaires sont comme des fondations pour l’activité humaine. Celle dont je rêve est plutôt celle des îles éoliennes, les îles grecques. Le bleu azur, on peut chercher jusqu’à l’infini les mots pour le designer. Ce sont les voiles aussi, les tissus, les rideaux qui bougent et le vent chaud qui me bercent. Je me sens hypnotisé sous ce soleil. C’est une lumière intense  et acide. Elle n’est pas là pour nous faire plaisir. C’est un espace ouvert avant l’Afrique et avant les déserts. Lorsque je vois l’hôtel dans Profession reporter ou la cabane dans Le désert rouge d’Antonioni, la maison dans Stromboli de Rosselini, on est dans des espaces irradiés et ces petites architectures que je viens mettre dans mes dessins s’inspirent aussi de ces univers. On peut se mettre à l’ombre. Une chaise, un tapis ou un vase, c’est aussi des petites architectures qui me rassurent.

Tu me parlais de Bernard Plossu, pourquoi ?

J’aime les instants qui flottent. Ceux en suspension. J’évoque souvent Bernard Plossu pour son mouvement. Il a un geste photographique que je vois comme un souffle. Cela existe en dehors de la représentation. J’aime les villes imaginaires et les espaces intermédiaires, comme chez Luigi Ghirri ou les villes fantômes de Di Chirico.

Et le dessin alors ?

Avec le dessin, il y a un déroulement qui me permet de découvrir au fur et à mesure l’image que je construis. Quand j’observe une chose qui m’attire, je ne la vois pas tout à fait. Grâce au dessin, je tente de rassembler des énergies par un lâcher prise. La photographie c’est quelque chose qu’on prend, le dessin c’est laisser faire. Poser l’appareil photographique, c’est aussi aborder une relation plus méditative dans le processus créatif et dans la vie tout court. Idéalement un dessin fini est comme un plat qu’on cuisine. On se dit en sentant le fumet, ça y est, c’est prêt ! C’est ça l’éblouissement.

Et dans le dessin aussi tu construis ?

Il y a les dessins sur le vif, les dessins de restaurants, d’épluchures... toujours par rapport à quelque chose de vivant et organique. Et puis il y a les dessins plus grands où je construis un espace en juxtaposant des fragments venus d’ailleurs. Je viens y apporter des objets comme sur une scène. La couleur est une matière en soi que j’aime manipuler et confronter à l’objet. Elles viennent signifier un moment, sonner une présence.

Qu’est-ce qui se passe dans ces jardins abandonnés, ces hôtels fermés, et ces villes hors champs ?

J’ai l’impression qu’il s’y est passé quelque chose et qu’il pourrait s’y passer quelque chose. Des éléments sont posés là mais il n’y a ni spectateurs, ni acteurs. Il y a une scène, il ne manque plus qu’à l’activer. Tout est à toi !

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